Le coopérativisme viticole en Catalogne
L’organisation de la classe paysanne des vignerons catalans
La crise du phylloxéra a entraîné de nombreuses difficultés économiques pour les agriculteurs, non seulement pendant les années sans récolte, mais aussi en raison de la nécessité d’investir dans l’opération d’arrachage des vignes mortes et de leur remplacement par des vignes résistantes, avec des greffons de plants américains.
Parallèlement, le secteur vitivinicole en Espagne a connu une baisse constante du prix du vin au cours du premier tiers du XXe siècle, en raison d’un déséquilibre entre l’offre et la demande internationale, alors que de grandes productions plus prestigieuses apparaissaient. En Catalogne, on est arrivé à produire plus de vin qu’on ne pouvait en vendre. Cette situation d’instabilité a encouragé les paysans catalans à s’associer.
La première société agricole de la campagne catalane a vu le jour à Valls, en 1888, et d’autres territoires ont rapidement suivi, faisant de la Catalogne le territoire pionnier de ce système d’organisation sectorielle. À Barberà de la Conca, en 1894, à Blancafort, en 1896, à Vilaseca et Salou, en 1898, à Selva del Camp, en 1903, à Montsant, en 1904 ou à El Vendrell, en 1906. Au XXe siècle, ils se sont multipliés au point qu’il existait des centaines de syndicats agricoles dans toute la Catalogne.
La Catalogne et le Pays valencien sont considérés comme les régions où le coopérativisme agricole s’est développé le plus intensément. Il est important de garder à l’esprit que certaines des initiatives organisationnelles de la classe paysanne catalane étaient teintées de la naissance du mouvement ouvrier syndicaliste idéologique, qui défendait le républicanisme fédéral et la lutte des classes dans les campagnes également.
Une grande partie des associés étaient des petits et moyens travailleurs de la terre qui cherchaient à mettre en commun l’accès à des technologies plus modernes, à unir leurs forces dans la commercialisation et la distribution des vins, et à offrir un cadre de soutien social et humain aux familles paysannes, en fournissant une communauté et un espace de loisir et de revendication.
Les « cathédrales du vin » sont des caves coopératives construites selon les tendances artistiques du modernisme catalan, mais dont l’architecture a été conçue pour optimiser la productivité et la qualité du vin. Elles sont considérées comme une première approche de l’ingénierie industrielle dans le secteur agricole. L’expression « cathédrales de vin » vient du dramaturge catalan Àngel Guimerà, qui estimait que la magnificence et l’expression artistique de ces caves méritaient d’être comparées aux cathédrales gothiques. Près d’une centaine d’entre elles sont disséminées dans toute la Catalogne et la plupart ont été conçues par Cèsar Martinell, disciple d’Antoni Gaudí, ou par Lluís Domènech i Muntaner. Parmi celles-ci, on peut citer celles de l’Espluga de Francolí, en 1913, de Nulles, en 1917, de Rocafort de queralt, en 1918, de Gandesa, en 1919, et de Cornudella de Montsant en 1922.
Le coopérativisme agraire de gauche, lié aux contrats de « rabassa morta », s’est consolidé au cours du premier tiers du XXe siècle (Note de traduction : type de contrat très répandu en Catalogne, par lequel un agriculteur se voyait attribuer une portion de terre pour y cultiver de la vigne, en échange d’une partie de sa récolte). La nécessité d’une demande beaucoup plus spécifique de la part du secteur a conduit à la création de l’Unión de Rabassaires en 1922, qui a joué un rôle clé dans l’organisation du secteur vitivinicole pendant la Guerre civile espagnole.